20 juillet 2010

On a bien le droit de rêver

Sais-tu à quoi j’ai rêvé en me réveillant ce matin?

Il y avait dans un grand palais, une très grande maison avec de très larges corridors couverts de bord en bord  aux planchers par d’épais et spongieux  tapis aux motifs variés et de couleurs foncées rouge-vin, deux enfants qui s’amusaient. Ils étaient tout de même assez grand pour reconnaître la taille réelle des lieux:  la largeur énorme des allées disproportionnées en comparaison de la hauteur des plafonds, tous bien ornementés.  Les  moulures de plâtre qui en décoraient les bords s’allongeaient très longuement et largement au point qu’on aurait eu peine à distinguer qu’elles encadraient sur toute leur longueur des peintures de nuages laissant parfois ci-et-là transpercer la clarté du ciel et quelques rayons de soleil.    Curieusement dans cet enchevêtrement d’immenses passages aucune fenêtre ne donnaient vue sur le monde réel, celui que l’on peut voir à l’extérieur du palais ou des maisons.  Mais cela ne semblait pas préoccuper les enfants tellement ils étaient entourés  de grandes personnes, tantôt des passants qui semblaient eux aussi habités les lieux, tantôt des gardes en veston-cravate habités par une sévérité cadavérique,  des écouteurs  tirebouchonnant et tombant près de leur cou en oreillette comme seule distraction pouvant éveillée quelques fois quelques mots à leur lèvres chuchotantes muettement constamment des mots secrets.   Tantôt, et ils étaient nombreux, passaient des nués de grandes personnes élégamment vêtues, se dirigeant en foule vers des locaux, sans doute beaucoup plus grands, assez pour tous les contenir, qui leur semblaient, aux enfants, ennuyeux car trop ombragés par autant de bavardages  inutiles que par la pénombre qu’ils leur auraient fallu souffrir pour s’insérer entre ces gens.  Aussi nos deux jeunes gens préféraient-ils s’amuser dans les différents recoins et allées.  On aurait presque dit des allés d’un grand centre de cinéma ou de salle de concert. 

Lui était maigrelet, très maigre comparativement à son âme sœur aux courbes plus rondelettes. Il était tellement maigre qu’on aurait dit qu’un sort lui avait été jeté de le dédoubler en deux êtres:  le condamnant, lui,  à errer avec sa sœur dans ces lieux perdus alors que son clone aurait été tenu caché dans un univers inconnu fait de rêves irréalistes.  Elle, à l’opposé, ses rondeurs eu pu faire croire que son sort était de subir le poids de son corps comme d’un manteau pour protéger sa véritable âme du regard d’autrui.   Seul son frère pouvait la reconnaître dans toute sa simplicité, mais aussi dans toute sa splendeur fraichement amusante.  C’était agréable de les voir ainsi frivoler avec la nudité des lieux, qui avouons le, n’offraient, malgré leur beauté, que très peu de jeux.

Néanmoins, chacun d’eux semblaient vivre une peur affreuse de n’être pas à leur place en ces lieux, non pas que cet endroit eu pu leur sembler comme une prison de velours mais bien qu’ils leur sembla qu’ils n’étaient, ni lui, ni elle, reconnut pour ce qu’ils étaient vraiment.  C’est comme si on leur avait voilé leur âme en les cantonnant dans des rôles qui n’étaient pas les leurs:  un prince et une princesse condamné à errer dans un monde d’inconnus, sans personnes pour s’occuper vraiment d’eux. 

Personne ne semblait vraiment leur porter attention, personne pour leur parler naturellement comme à des amis, personne pour les toucher de tendresses et surtout personne d’autres avec qui s’amuser.  Seul les lieux, quelques sièges fort rembourrés, quelques épais cordons touffus faisant officiellement office de clôtures pour diriger les passants pouvaient occasionnellement servir de toutous, et les poteaux amovibles pour jouer le rôle de personnages imaginaires tangibles.  On aurait  pu croire à les regarder s’amuser qu’à eux deux ils se faisaient du cinéma plus intéressant que les films admirer par les grands de ce monde, vous savez, ces films qui sont diffusés dans de grandes salles obscures, habités par tant de gens dont l’âme est éteinte sous la projections de fresques cinématographiques fantastiques. D’ailleurs les allées même du palais auraient bien pu faire penser à des allées de cinéma.

Puis, dans leur jeux, nos deux amis se virent interrompus par des gens qui voulaient les séparer pour les amener ailleurs.  C’était, on aurait dit, comme si on voulait leur enlever encore plus de leur âme, de leur personnalité enjouée et émerveillée pour les assoir dans des rôles princiers qui leur étaient prédestinés.   On aurait déchiré les rideaux d’une scène de théâtre  en étirant et faisant crier  les filages qui comme des mains qui se dénouent s’éloignent  dans d’âpres douleurs que ce n’eut été plus grave. 

Et là, il fallait franchir les guérits salués de ses personnes austères. 

Mais c’est alors que survint comme dans un enchantement un miracle ou le prince affirma son identité et retrouva au grand plaisir de sa sœur son âme perdu.  Aussi bien qu’il fut contraint de franchir la clôture des adultes il découvrit qu’il pouvait affirmer sa personnalité, dévoilé son vrai visage et dire ce qu’il voulait vraiment, et vivre de véritables émotions comme s’il passait de la vie à la mort, de la prison du corps à la liberté de l’âme.  Mais bien qu’en apparence il semblait tout aussi mince, lui , il lui semblait qu’il pouvait vivre heureux non pas de ce qu’on lui imposa, pas plus de que ce qu’on aurait pu lui laisser de jeux, mais qu’il pouvait jouir d’être, pleinement, et rayonner du  plaisir d’être à l’infini.  Et là, ayant franchit le cordon de sainteté, il vit derrière lui le vrai prince  faire son entrée, un bel homme aux cheveux clairs et aux joues toutes vivantes qui le regarda dans les yeux, dans ses yeux à lui. Soudain ils étaient reconnus par quelqu’un d’autres; quelqu’un de vrai les regardait dans les yeux et les croyait.  Ce beau prince qui franchissait lui aussi la clôture avec tous les honneurs que l’on accorde aux vrais princes les voyaient, les aimaient.  Ils étaient.

 

Normand Marc Croteau

rêves du 20 juillet 2010

etre@envoix.com

envoix@hotmail.com